Le DOLMEN des
AUCHES
Descendant du Piolit et du Sapet, le torrent du
Biarras (ou du Sapet ou de
St-Pancrace) avait recouvert de limon et de pierres le quartier des Auches. Ses habitants avaient alors défriché patiemment ces
terres fertiles pour les rendre cultivables en entassant les pierres en
clapiers (ou pierriers) dont l’origine pouvait être ancienne. La tradition
voudrait que le seigneur de l’époque ait caché un veau d’or sous l’un de ces
clapiers, peut-être à la Révolution. Si ce veau d’or ne fut jamais retrouvé, on
trouva par hasard à sa place un monument mégalithique.
Juste avant la Guerre de
39-45, l’entreprise de concassage de pierres Chienno
achète les clapiers des Auches pour les exploiter et,
à la fin de l’année 1938, met à jour une grande dalle de pierre au cours de ses
travaux, à
La dalle est en grès et
fait 3 à
Elles sont reprises en août
1939 devant les mêmes témoins et Mr Artaud, archiviste départemental adjoint.
Le dolmen est semi-enterré et la dalle de couverture repose sur quatre pierres
levées sans qu’il y ait de pierres de fermeture aux extrémités, un ensemble de
Les premiers comptes-rendus
sur cette découverte paraissent dans le Petit Dauphinois du 24 septembre 1938
(article signé R.L. Lachat) et dans l’Illustration du
12 novembre 1938. Repris dans d’autres revues contemporaines, ils manquent
alors de références archéologiques.
La chambre funéraire abrite
le squelette d’un personnage de grande taille d’une cinquantaine d’années. De
son crâne qui s’est effrité aux premières manipulations, il reste la calotte et
une mâchoire puissante avec des dents peu nombreuses (4 ?) mais saines. Le
reste du corps est broyé dans la terre. Des restes décomposés de dizaines de
corps disposés en arc de cercle sous le dallage entourant le dolmen et au-delà,
sont extraites plusieurs centaines (un millier ?) de dents humaines dont une
douzaine sont saines. La dentition d’une cinquantaine d’individus en partie
édentés.
Le mobilier trouvé dans la chambre funéraire, tel que
décrit dans ces articles, comprend :
· des
pièces de deux pendeloques (en défenses de sanglier, en canines de renard, en
calcaire ?) dont une trouvée sous la mâchoire du gisant,
· un
coutelas ou poignard recourbé à 2 lames (2 tranchants) en métal (des auteurs
parlent de fer ou décrivent l’objet comme un fragment d’épée),
· de
plusieurs armes en pierre taillée, pointes ou armature de flèches ou de lances,
· de
perles et pièces de parure en matières diverses, os, pierre semi précieuse,
ambre, cuivre.
· D’autres
descriptions comportent aussi un outil tranchant en pierre grise, des aiguilles
en bronze, ou parlent d’un collier de prêtre ou d’objets fantaisistes.
Les époques invoquées vont
du Néolithique au début de l’Âge du fer (le grand écart).
Dans la terre effleurant le
dallage, sont également trouvés des fragments d’os lourds et durs (que certains
disent travaillés) et un morceau de corne que Mr Artaud attribue à une défense
d’éléphant. L’imagination aidant, nos fouilleurs pense aux éléphants d’Hannibal
qui traversèrent les Alpes.
Les objets trouvés lors des
fouilles vont être dispersés pendant la guerre puis partiellement rassemblés et
remis au musée départemental de Gap par M. et Mme Chienno
en octobre 1948 (enregistrés sous la référence n° 2467 puis n° 2578) avec des
pertes dont la supposée défense d’éléphant, une pendeloque, les pièces en ambre
et le poignard.
En 1957, l’archéologue
Jacques-Claude Courtois, dans un rare article parlant du dolmen, le décrit
comme une vaste sépulture mégalithique sous tumulus circulaire du chalcolithique.
Les perles en cuivre en forme d’olive, les perles à ailettes en calcaire, les
pointes de lances foliacées en silex et le bouton en os faisant partie de son
mobilier funéraire sont caractéristiques du chalcolithique ibérolanguedocien
présent dans les régions méridionales de la France et dans la Péninsule
ibérique.
Le chapitre sur la tombe
mégalithique de Saint- Pancrace dans le livre "Archéologie dans les
Hautes- Alpes", publié par le musée départemental de Gap en 1991,
attribue aux objets qui lui ont été remis deux âges, le "Néolithique
final – Chalcolithique ancien" pour les armatures de flèches, pendeloque
à ailettes et perles en tôle de cuivre et le "Chalcolithique récent –
Bronze ancien" pour un bouton en os et une perle en bobine. Des études
comparatives entre ces objets et ceux extraits d’autres sites confirment
cette conclusion. On en déduit que le
dolmen a connu, comme d’autres tombes mégalithiques, plusieurs périodes
d’utilisation. |
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Bien que ces périodes
différent selon les pays et varient suivant les auteurs (le Chalcolithique
étant confondu avec l’Âge du cuivre ou considéré comme une transition entre le
Néolithique et l’Âge du bronze), les
archéologues départementaux précisent que le dolmen des Auches,
ou de Saint- Pancrace, a été utilisé entre 2400 et 2000 avant J.C. puis
réutilisé vers 1900 avant J.C..
L’hypothèse d’un poignard
du début de l’Âge du fer (vers 850 avant J.C.), à une époque où l’on ne
construisait plus ou n’utilisait plus de tombes mégalithiques depuis des
siècles, est anachronique. Sa description l’a d’ailleurs fait classer
entretemps comme poignard rhodanien du Bronze ancien.
L’hypothèse d’une défense
d’un éléphant d’Hannibal sur le site repose sur l’interprétation de
l’archiviste M. Artaud et ne concerne qu’un morceau de corne trouvé sur le
dallage. Hors Hannibal ne traversera les Alpes qu’en 218 avant J.C., soit 1700
ans après l’abandon de la tombe mégalithique qui doit déjà se confondre à la
rocaille environnante lors de son passage. La disparition de ces fragments d’os
lourds et durs empêchera les spécialistes d’étayer la thèse de leur origine
phénicienne.
La question qui reste aussi
en suspend concerne l’utilisation du dolmen. Sa réutilisation suppose qu’il est
plus ou moins déblayé entre chaque usage. La société de l’époque étant déjà
hiérarchisée, son ordonnance donne l’image de l’inhumation de guerriers faisant
une garde d’honneur autour de leur chef, de villageois autour d’une autorité
locale ou d’une assemblée autour d’un prêtre.
Sont-ils morts dans un combat,
une catastrophe naturelle ou une épidémie ? Quel rituel funéraire a été
pratiqué ? Nos connaissances restent insuffisantes pour formuler une réponse.
Une fouille assez sommaire,
la perte d’une partie du mobilier et l’absence d’un spécialiste comme Georges
de Manteyer au moment de la fouille font que ce
monument mégalithique reste mal connu.
· Georges de Manteyer (1867-1948), né à Gap,
major de l’École des Chartes, membre de l’École française de Rome, historien et
archiviste réputé, s’intéressa entre autres au Moyen Âge et aux Alpes et
concourut à la reconnaissance du site de Chavignières
grâce à l’étude savante qu’il en fit.
· R.L. Lachat qui fit connaitre le dolmen des
Auches, fut un grand reporter de renom au « Petit
Dauphinois » puis au « Dauphiné Libéré » ainsi que chroniqueur au journal
isérois « Les Affiches ». R.L. Lachat a écrit
plusieurs livres dont deux sont le fruit d’un travail d’historien, «Dauphiné»
et « La vallée aux cent châteaux », livres toujours recherchés. Son reportage
sur le dolmen local, avant même la fin des fouilles, est l’œuvre d’un
journaliste érudit mais sans vraies connaissances en archéologie.
La BÂTIE-NEUVE
Entre
3e et 2e millénaire avant J.C., un groupe d’hommes s’installe en amont de la
vallée de la Luye sur les terres de la future commune
de La Bâtie-Neuve. Sédentarisés dans les environs de Saint-Pancrace, entre fond
de vallée et flanc de montagne, ces hommes vivent plus particulièrement de
l’élevage et de quelques cultures. Les bastidons leur doivent les premiers défrichements
de leur environnement et le début de l’exploitation agricole de leur vallée.
Ils
adoptent les coutumes funéraires locales, construisent un dolmen pour y
inhumer certains de leurs morts et restent chez nous plusieurs siècles. On
peut penser que quelques uns de ces hommes ont sans doute fait souche sur ces
terres. Le dolmen se trouvant sur un terrain privé, la commune de La
Bâtie-Neuve en a fait ériger une reconstitution sur
le rond point du collège en 2009 et cherche un moyen de rendre le monument
mégalithique accessible au public. Une réplique d’une tour du Barri côtoie
cette reconstitution. |
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Annexe
Les FOUILLES du DOLMEN
(1938-39)