gif-animaux%20(241)[1]

Le DOLMEN des AUCHES

 

Descendant du Piolit et du Sapet, le torrent du Biarras (ou du Sapet ou de St-Pancrace) avait recouvert de limon et de pierres le quartier des Auches. Ses habitants avaient alors défriché patiemment ces terres fertiles pour les rendre cultivables en entassant les pierres en clapiers (ou pierriers) dont l’origine pouvait être ancienne. La tradition voudrait que le seigneur de l’époque ait caché un veau d’or sous l’un de ces clapiers, peut-être à la Révolution. Si ce veau d’or ne fut jamais retrouvé, on trouva par hasard à sa place un monument mégalithique.

 

Juste avant la Guerre de 39-45, l’entreprise de concassage de pierres Chienno achète les clapiers des Auches pour les exploiter et, à la fin de l’année 1938, met à jour une grande dalle de pierre au cours de ses travaux, à 500 mètres au sud-ouest du hameau de Saint-Pancrace. Pensant à un possible monument mégalithique, l’entreprise signale la découverte aux autorités qui entreprennent de premières fouilles en présence du Dr Laurent Bernard et du journaliste R.L. Lachat.

 

La dalle est en grès et fait 3 à 3,2 m de diamètre, 30 à 50 cm d’épaisseur et 10 à 12 tonnes. Inclinée nord-sud, son côté sud touche le sol tandis que le côté nord protège une cavité comblée par de la terre entrainée par l’érosion. C’est bien la dalle de couverture de la chambre funéraire d’un dolmen. Elle était recouverte d’un tertre plus ou moins érodé et caché par le clapier, un tumulus faisant 24 m de diamètre environ. Ces premières fouilles restent incomplètes.

 

Elles sont reprises en août 1939 devant les mêmes témoins et Mr Artaud, archiviste départemental adjoint. Le dolmen est semi-enterré et la dalle de couverture repose sur quatre pierres levées sans qu’il y ait de pierres de fermeture aux extrémités, un ensemble de 20 m3 environ. Les fouilles exhument aussi un dallage formant ceinture à 10 m du tertre.

 

Les premiers comptes-rendus sur cette découverte paraissent dans le Petit Dauphinois du 24 septembre 1938 (article signé R.L. Lachat) et dans l’Illustration du 12 novembre 1938. Repris dans d’autres revues contemporaines, ils manquent alors de références archéologiques.

 

La chambre funéraire abrite le squelette d’un personnage de grande taille d’une cinquantaine d’années. De son crâne qui s’est effrité aux premières manipulations, il reste la calotte et une mâchoire puissante avec des dents peu nombreuses (4 ?) mais saines. Le reste du corps est broyé dans la terre. Des restes décomposés de dizaines de corps disposés en arc de cercle sous le dallage entourant le dolmen et au-delà, sont extraites plusieurs centaines (un millier ?) de dents humaines dont une douzaine sont saines. La dentition d’une cinquantaine d’individus en partie édentés.

 

Le mobilier trouvé dans la chambre funéraire, tel que décrit dans ces articles, comprend :

· des pièces de deux pendeloques (en défenses de sanglier, en canines de renard, en calcaire ?) dont une trouvée sous la mâchoire du gisant,

· un coutelas ou poignard recourbé à 2 lames (2 tranchants) en métal (des auteurs parlent de fer ou décrivent l’objet comme un fragment d’épée),

· de plusieurs armes en pierre taillée, pointes ou armature de flèches ou de lances,

· de perles et pièces de parure en matières diverses, os, pierre semi précieuse, ambre, cuivre.

· D’autres descriptions comportent aussi un outil tranchant en pierre grise, des aiguilles en bronze, ou parlent d’un collier de prêtre ou d’objets fantaisistes.

Les époques invoquées vont du Néolithique au début de l’Âge du fer (le grand écart).

 

Dans la terre effleurant le dallage, sont également trouvés des fragments d’os lourds et durs (que certains disent travaillés) et un morceau de corne que Mr Artaud attribue à une défense d’éléphant. L’imagination aidant, nos fouilleurs pense aux éléphants d’Hannibal qui traversèrent les Alpes.


Les objets trouvés lors des fouilles vont être dispersés pendant la guerre puis partiellement rassemblés et remis au musée départemental de Gap par M. et Mme Chienno en octobre 1948 (enregistrés sous la référence n° 2467 puis n° 2578) avec des pertes dont la supposée défense d’éléphant, une pendeloque, les pièces en ambre et le poignard.

 

dolaine 1

 

En 1957, l’archéologue Jacques-Claude Courtois, dans un rare article parlant du dolmen, le décrit comme une vaste sépulture mégalithique sous tumulus circulaire du chalcolithique. Les perles en cuivre en forme d’olive, les perles à ailettes en calcaire, les pointes de lances foliacées en silex et le bouton en os faisant partie de son mobilier funéraire sont caractéristiques du chalcolithique ibérolanguedocien présent dans les régions méridionales de la France et dans la Péninsule ibérique.

 

Le chapitre sur la tombe mégalithique de Saint- Pancrace dans le livre "Archéologie dans les Hautes- Alpes", publié par le musée départemental de Gap en 1991, attribue aux objets qui lui ont été remis deux âges, le "Néolithique final – Chalcolithique ancien" pour les armatures de flèches, pendeloque à ailettes et perles en tôle de cuivre et le "Chalcolithique récent – Bronze ancien" pour un bouton en os et une perle en bobine. Des études comparatives entre ces objets et ceux extraits d’autres sites confirment cette conclusion.

 

On en déduit que le dolmen a connu, comme d’autres tombes mégalithiques, plusieurs périodes d’utilisation.

 

dolaine 2

 


Bien que ces périodes différent selon les pays et varient suivant les auteurs (le Chalcolithique étant confondu avec l’Âge du cuivre ou considéré comme une transition entre le Néolithique et l’Âge du bronze), les archéologues départementaux précisent que le dolmen des Auches, ou de Saint- Pancrace, a été utilisé entre 2400 et 2000 avant J.C. puis réutilisé vers 1900 avant J.C..

 

L’hypothèse d’un poignard du début de l’Âge du fer (vers 850 avant J.C.), à une époque où l’on ne construisait plus ou n’utilisait plus de tombes mégalithiques depuis des siècles, est anachronique. Sa description l’a d’ailleurs fait classer entretemps comme poignard rhodanien du Bronze ancien.

L’hypothèse d’une défense d’un éléphant d’Hannibal sur le site repose sur l’interprétation de l’archiviste M. Artaud et ne concerne qu’un morceau de corne trouvé sur le dallage. Hors Hannibal ne traversera les Alpes qu’en 218 avant J.C., soit 1700 ans après l’abandon de la tombe mégalithique qui doit déjà se confondre à la rocaille environnante lors de son passage. La disparition de ces fragments d’os lourds et durs empêchera les spécialistes d’étayer la thèse de leur origine phénicienne.

 

La question qui reste aussi en suspend concerne l’utilisation du dolmen. Sa réutilisation suppose qu’il est plus ou moins déblayé entre chaque usage. La société de l’époque étant déjà hiérarchisée, son ordonnance donne l’image de l’inhumation de guerriers faisant une garde d’honneur autour de leur chef, de villageois autour d’une autorité locale ou d’une assemblée autour d’un prêtre.

 

Sont-ils morts dans un combat, une catastrophe naturelle ou une épidémie ? Quel rituel funéraire a été pratiqué ? Nos connaissances restent insuffisantes pour formuler une réponse.

 

Une fouille assez sommaire, la perte d’une partie du mobilier et l’absence d’un spécialiste comme Georges de Manteyer au moment de la fouille font que ce monument mégalithique reste mal connu.

 

· Georges de Manteyer (1867-1948), né à Gap, major de l’École des Chartes, membre de l’École française de Rome, historien et archiviste réputé, s’intéressa entre autres au Moyen Âge et aux Alpes et concourut à la reconnaissance du site de Chavignières grâce à l’étude savante qu’il en fit.

 

· R.L. Lachat qui fit connaitre le dolmen des Auches, fut un grand reporter de renom au « Petit Dauphinois » puis au « Dauphiné Libéré » ainsi que chroniqueur au journal isérois « Les Affiches ». R.L. Lachat a écrit plusieurs livres dont deux sont le fruit d’un travail d’historien, «Dauphiné» et « La vallée aux cent châteaux », livres toujours recherchés. Son reportage sur le dolmen local, avant même la fin des fouilles, est l’œuvre d’un journaliste érudit mais sans vraies connaissances en archéologie.

 

La BÂTIE-NEUVE

 

Entre 3e et 2e millénaire avant J.C., un groupe d’hommes s’installe en amont de la vallée de la Luye sur les terres de la future commune de La Bâtie-Neuve. Sédentarisés dans les environs de Saint-Pancrace, entre fond de vallée et flanc de montagne, ces hommes vivent plus particulièrement de l’élevage et de quelques cultures. Les bastidons leur doivent les premiers défrichements de leur environnement et le début de l’exploitation agricole de leur vallée.

 

 

 

Ils adoptent les coutumes funéraires locales, construisent un dolmen pour y inhumer certains de leurs morts et restent chez nous plusieurs siècles. On peut penser que quelques uns de ces hommes ont sans doute fait souche sur ces terres. Le dolmen se trouvant sur un terrain privé, la commune de La Bâtie-Neuve en a fait ériger une reconstitution sur le rond point du collège en 2009 et cherche un moyen de rendre le monument mégalithique accessible au public. Une réplique d’une tour du Barri côtoie cette reconstitution.

 

dolaine 3

 


Annexe

Les FOUILLES du DOLMEN (1938-39)

dolaine 4

gif-animaux%20(241)[1]